Bloquée entre Zelda Breath of the Wild et GTA 6

Vous le savez, 2023 a été une très très grosse année en termes de sorties. C’est simple, une grande partie des jeux les plus attendus du moment ont vu le jour. Résultat, le doute était permis sur celui qui remporterait le titre de Jeu de l’année. En 2022, tout le monde était d’accord pour couronner Elden Ring. En 2023, si Baldur's Gate III partait avec une longueur d’avance, elle était bien courte tant les défenseurs de The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom, Marvel's Spider-Man 2 ou le challenger de dernière minute Alan Wake II avaient de solides arguments pour défendre leur poulain. Mais il serait bien dommage de résumer cette année 2023 aux seuls concurrents au titre de GOTY.

2023 a marqué le retour tant attendu de grandes licences du jeu vidéo. Diablo IV, Final Fantasy XVI, Street Fighter 6, Pikmin 4, Assassin's Creed Mirage... Que ce soit en octobre ou en juin, les semaines ont presque été éprouvantes tant les sorties majeures se sont enchaînées en nous laissant que très peu de répit. Et parmi ces sorties majeures, il y a eu également de nouvelles IP également très attendues, avec les déceptions que cela implique parfois. Starfield et Hogwarts Legacy : l'Héritage de Poudlard ont ainsi indéniablement marqué 2023. Le second est en bonne voie pour en faire une année historique : celle où le règne de 15 ans de Call of Duty et Rockstar a finalement pris fin face à un Hogwarts Legacy près à remporter le titre de jeu le plus vendu de l'année.

2023, ça a également été l’année de la rédemption pour un autre jeu attendu : Cyberpunk 2077. Et que dire des pépites indépendantes qui ont pointé le bout de leur nez cette année-là, de véritables leçons de game design comme Chants of Sennaar ou Cocoon en passant par de véritables OVNI tels que Dredge ou DAVE THE DIVER. Et pour clôturer cette année particulièrement riche, on a même eu le droit à l’annonce officielle du jeu le plus attendu de la décennie probablement, celui qui accapare l’attention dès qu’un semblant d’information fuite à son sujet : Grand Theft Auto VI. Le titre est prévu pour 2025, qui s’annonce elle aussi être une grosse année côté jeux vidéo. La simple sortie de GTA 6, qui sera pour sûr un véritable raz-de-marée, suffit pour en faire une date historique pour l’industrie du jeu vidéo. Vous pouvez probablement ajouter à ça Death Stranding 2, Star Wars Eclipse ou encore le prochain jeu du papa de Bioshock, Judas. Bref, après une année 2023 riche comme rarement auparavant et une année 2025 attendue de tous, 2024 peut sembler bien creuse en comparaison. Et pourtant…

Un planning bien chargé en 2024

Ce serait une bien grossière erreur de ne pas considérer l’année 2024 à sa juste valeur. Comme pour 2023, de nombreuses suites attendues ont prévu de voir le jour l’année qui arrive : Tekken 8, Hades II, Final Fantasy VII Rebirth, Dragon's Dogma 2, Commandos : Origins… L’année commence même sur les chapeaux de roue avec le remarqué retour de la licence Prince of Persia sur un terrain sur lequel on ne l’attendait pas mais qui fait mouche (voir le test ici). Et du côté des nouvelles “IP” (enfin façon de parler), on a également du lourd qui arrive avec Rise of the Ronin, le Bioshock-like Clockwork Revolution ou encore l’attendu Star Wars : Outlaws. Et avec un peu de chance, on pourrait même voir arriver Hollow Knight : Silksong et l’extension tant attendue d’Elden Ring. Après tout, si on ne les a pas eu en 2023, c’est probablement pour 2024. Et autant vous dire que vu les attentes autour de ces deux sorties, il sera difficile de qualifier 2024 d’année creuse s’ils débarquent à ce moment-là.

Mais même sans ça, 2024 a d’ores et déjà un vaillant mastodonte qui va, pour sûr, marquer l’Histoire. En effet, il serait bien sot de votre part de sous-estimer un certain Senua's Saga : Hellblade II. Si le premier opus de la licence de Ninja Theory est loin de s’être vendu autant qu’un Hogwart Legacy (1 million de copies vendues en un peu moins d’un an), il a profondément marqué l’industrie à son échelle. Le titre a réussi le dur défi de proposer une expérience vidéoludique intéressante, une proposition extra-ludique poussée (et primée) et en même temps une représentation intéressante et non stigmatisante des troubles mentaux. Hellblade a ainsi, d’une certaine façon, inscrit le jeu vidéo de divertissement dans une autre démarche et est, à ce titre, particulièrement reconnu en dehors de l’industrie. Comme nous le précisions sur cet article sur la santé mentale des joueurs, une étude a même démontré que le titre permettait de moins stigmatiser les personnes souffrant de troubles mentaux.

Si Hellblade premier du nom était donc déjà un bel exploit en soi, avec Hellblade 2 Ninja Theory (maintenant poussé par Microsoft) compte bien repousser toutes les limites. Dès son annonce, Hellblade 2 a su marquer les esprits avec un réalisme à couper le souffle. Qui plus est le soutien de Microsoft a permis d’augmenter ses moyens et ses effectifs. On parle tout de même d’un studio d’une vingtaine de personnes à l’origine et qui en compte aujourd’hui plus de 130. Il y a donc de fortes chances de penser que le titre s’apprête à nous donner une immense claque. En tout cas, chez JV on y croit très fort. On a d’ailleurs proposé plusieurs contenus pour vous faire part de notre enthousiasme (un JV Fast et un cinq choses à savoir notamment).

Ça, c’est pour les sorties. Mais pour le reste ? Et oui car on ne peut pas résumer une année à son nombre de gros jeux sortis. Par exemple, l'année 2023 a beau avoir été merveilleuse en termes d'offre, les dessous de l'industrie n'ont pas été aussi réjouissants. Le monde du jeu vidéo a connu de gros coups durs… Plusieurs studios ont fermé leurs portes et près de 9000 personnes ont perdu leur emploi dans l’industrie en 2023, d’après une estimation du développeur de jeux Farhan Noor. En tout, ce ne sont pas moins de 170 entreprises du milieu qui ont remercié une partie de leurs employés. Et ce nuage gris qui a commencé à se former en 2023 ne risque-t-il pas de s’épaissir et venir lorgner sur l’année 2024 ? Rien n’est moins sûr…

Pas creuse, mais peut-être grise ?

Il faut dire que cette année 2024 ne commence pas sous les meilleurs auspices. L’entreprise Unity n’a pas attendu bien longtemps après le décompte de la nouvelle année pour annoncer le licenciement à venir de 25% de ses employés, soit 1800 personnes. Cela fait suite à de grosses polémiques suivant les changements de stratégie opérés par l’entreprise l’année passée et aussi à une autre grosse vague de licenciement (1100 employés concernés sur l’année 2023). Forcément, on peut s’inquiéter que le nuage de 2023 vienne installer une ombre sur cette nouvelle année.

Mais si l’année a très mal commencé, il y a des raisons de penser que les choses pourront s’améliorer. Les coups durs qu’a connus l’industrie l’année passée s'expliquent en effet assez facilement. Avec le confinement, l’industrie du jeu vidéo a connu un véritable boom. Rien qu’en France, ce ne sont pas moins de 5,3 milliards d’euros de bénéfices qui ont été enregistrés au sein de l’industrie en 2020, ce qui correspondait alors à une croissance de 11,3% par rapport à 2019. Forcément, un tel essor, ça a donné des ailes à certains. “Pendant la pandémie, le nombre de jeux a explosé et ce boom soudain a conduit les studios à se développer rapidement, à réaliser des acquisitions et peut-être à surinvestir dans certains domaines” analyse Liz Prince, responsable du spécialiste du recrutement Amiqus. Le problème, c’est que l’effet pandémie a fini par perdre de son importance au fil des années. Résultat, dès 2022, on a ressenti une baisse significative des bénéfices dans toute l’industrie. Activision Blizzard, Nintendo, Ubisoft, PlayStation… La grande majorité des acteurs du milieu ont enregistré des baisses de bénéfices assez significatives. Selon Newzoo, la baisse de bénéfices de l’industrie du jeu vidéo entre 2021 et 2022 s’élevait ainsi à -4,3 % comparé à 2021. Et c’est compréhensible. Les gens ont recommencé à sortir, l’inflation et les pénuries ont rendu les jeux moins accessibles et, qui plus est, de nombreux reports de gros jeux, dûs en partie à la configuration qu’a entraîné la pandémie, ont eu lieu cette année-là.

Avec cette baisse, il a fallu réajuster les plans et surtout les coûts. C’est du moins ce qu’avance encore une fois Liz Prince. C’est donc en partie à cause de cette mauvaise gestion des attentes sur le marché que l’on s’est retrouvé avec une année 2023 aussi morose. Mais si 2023 subit donc, dans une certaine mesure, les conséquences de 2022, 2024 devrait probablement bénéficier du généreux planning de 2023. Les grosses sorties ont certainement dû booster les ventes. Reste à voir si les joueurs ont été en moyenne plus nombreux à craquer pour plus de jeux que l’année passée. A priori, ce serait le cas au moins en France. Charlotte Massicault, directrice gaming du distributeur Fnac, a déclaré auprès du Figaro que l’année 2023 s’annonçait record pour la Fnac. “Le retour en stock des consoles nouvelle génération a surboosté l’ensemble du marché” explique-t-elle. De son côté, Emmanuel Grange, directeur général de Sony Interactive Entertainment France, prévoit “une année historique” pour la boîte.

Pour en avoir le cœur net, il faudra attendre un peu d’avoir le recul nécessaire pour pouvoir analyser les ventes de 2023 et l’état de l’industrie actuellement. Il faudra également voir comment va évoluer le secteur des jeux indépendants, qui a également subi de gros coups durs en 2023. Mais si tout va bien, 2024 pourrait être l’année de la confirmation, entre stabilisation et véritables avancées. C’est du moins ce qu’on espère. En revanche, ce qui est sûr, c’est qu’il ne s’agira pas d’une année creuse !